LA CAUSE DES CAUSEUSES ... Vendanges Poétiques à volonté...

L'instant d'avant, L'écrire

Elle le regarde

Elle voit un adulte vieillissant

*

et parfois un être neuf

un être rénové

*

[Le poème transcrit sur l'entame d'arbre

est d'ANNIE SALAGER]

*

Je cherche ta voix

et la retrouve

Elle a plusieurs intensités

Elle ne pulse pas comme

dans la vie

Et cela me rassure

tout en m'étonnant

Et puis soudain

cette question :

"Qu'est-ce qu'un livre ?

A quoi ,à qui nous rattache-t-il

dans l'absence ?"

*                               

Je cherche ta parole

et la retrouve

Elle a plusieurs intensités

Elle ne pulse pas comme

dans le livre

Et cela me rassure

tout en m'étonnant

Et puis soudain

cette question :

"Qu'est-ce qu'une voix aimée ?

A quoi ,à qui nous rattache-t-elle

dans la présence ?"

    

©Marie.Pool

Le Printemps des Causeuses

C'est plus fort que nous, chez les femmes d'ici , la fleur printanière  capte les regards, alors j'en fais la collec. :

Celles d'Angèle Paoli :

Celles de Lucie Petit :

Celles de Myriade (Magnolia):

Celles de K kyrielle (Romarin):

Celle de Richard d'Avant la Lettre :

"Violette blanche, nasale et poilue, trouvée au Sappey en Chartreuse, le 26 mars dernier. Elle était parfaitement inodore. Violette blanche, nasale et poilue, trouvée au Sappey en Chartreuse, le 26 mars dernier. Elle était parfaitement inodore."

Les miennes :

Mais encore ?

Retour de Verdure

Je reviens de ma cabane de verdure et j'ai rapporté tout ce que j'ai pu ...

Je  le dispose à proximité du poème de Béatrice Libert, offert par Lucie Petit

Face à la beauté d'un paysage, que ce soit le visage d'une colline ou la carrure d'un champ, ne rien faire devient l'indispensable activité. S'ouvrir au souffle, fouler la joie du trèfle, graver un territoire en soi, ne rien faire, cela prend pas mal de temps.

*

On écoute grandir le jour et décroître la rumeur du monde qui n'a nul besoin de nous. On trouve à s'arrêter les mêmes vertus que celles qui font pousser le blé, les jonquilles, les jacinthes sauvages.

*

Ne rien faire ressemble à l'étang où se ruine le ciel, où la saison s'improvise, où se dilatent et se propagent mille vies farouches et solennelles, imprévisibles. 

*

Pour se protéger des coups du sort, rien de tel qu'un poème, le murmure d'un ruisseau, la densité de l'herbe patiente. On est alors protégé de tout écart, de toute détresse. Le chemin se trace de lui-même, très loin en nous. Il garde son poids de terre à la hanche, n'oublie pas sa levée de poussière à l'horizon de son élan ...

*

Je suis venue ne rien faire dans l'immense détroit de deux journées vides. Toute la vie s'y est engouffrée. Une patience infinie monte en moi tandis que mes mains tressent l'aval, à l'orient d'une journée.

Béatrice Libert

in Petits riens, simples merveilles - l'Arbre à paroles - Revue bismestrielle n°95 – 1997

L'Incessant de Charles Juliet

               des femmes

               Antoinette Fouque présente...

                 La bibliothèque des voix

L'Incessant  de Charles JULIET 

lu par l'auteur

et Nicole GARCIA

suivi de Poèmes 

lus par l'auteur

cd 50 mn - 2005

"L'incessant met en présence un

homme et une femme qui s'affrontent

avec âpreté. Cet homme et cette

femme sont en chacun de nous. A cer-

tains moments de crise, ils se déchi-

rent, nous harcèlent. Mais la décision

qui clôt le débat n'est jamais définitive.

A tout instant elle peut être remise en

cause. Alors l'affrontement recom-

mence. Maintes et maintes fois. A

moins qu'un jour l'homme cède et

qu'une seconde naissance l'introduise

à une nouvelle vie."

                                 Charles Juliet                  

Réalisation : Michelle Muller

Photos : Sophie Bassouls/Corbis -  Sylvie Lancreno/HandK

Ce profil volé à la glaise

© Inédits d’Armand Dupuy

sur les écailles dépolies

du grand ciel

parfois l’esquisse

d’un visage fatigué

un visage avec l’énigme

creusée dans les traits.

*

j’ai jeté l’ancre

dans ce visage.

*

peut-être fera-t-il

fleurir mes amarres

***

une figure

froissée dans sa grimace

rugueuse comme une écorce

*

le temps fait son nid

puis s’oublie

dans les ravins

de cette écorce

***

J’ai vu la rature

de ce visage

craquer ses coutures

J’ai vu ce qui

barrait la figure

prendre sa légèreté,

troquer les choses

pour un sourire.

***

ce profil volé à la glaise

par les mains de la nuit

*

l’aube affine ses contours

*

un corbeau dans les labours

allume une pupille

noire d’affamé

***

ce regard

clarifié par le manque

*

les années

sédimentées dans les plis

*

parfois jeté du fond

vers la surface

quelque chose

comme une cloque

soulève une ride

***

tes silences de calcaire

une densité-caillou

de la présure dans ta voix

dans ta voix qui ne chante plus

mais tombe

tombe de tes lèvres

nette, trop nette…

*

le son est une coquille

qui a mangé ta voix,

ta voix

ce germe

qui devra éclore à nouveau.

*

il faudra l’aider

ta voix

***

lire à s’en crever les yeux

( confondre l’œil et le mot)

retrouver cette voix

la première

devenue bruit de fond

qui de ces ruptures

faisait toute une histoire.

*

C’est de l’usure réciproque

de l’œil et du mot

que semblait monter ta voix.

***

j’ai appris la lecture

sur les lacis de branches

tatouées dans le bleu

*

et le fardeau

de nuages

comme une ponctuation

***

En pensant à Armand Dupuy

Armand Dupuy ?

Je ne sais pas qui il est...

dans un mail reçu aujourd'hui il me parle d'Antoine Carrot  et de Charles Juliet.

Il me fait lire ses poèmes aussi , très beaux...

Alors pour l'accueillir dans La Cause des Causeuses,

je lui choisis deux poèmes que j'aime:

VEILLEUR

Dans la vieille maison

où les gerbes de feu nous proposent

des matins ensoleillés

peut-être est-il assis sur une chaise.

*

Possesseur d'un passé dans le creux d'une main

qui protège et multiplie

n'est-ce pas le chemin dans l'acide insomnie

dont le parcours n'a pas été voulu.

*

N'est-ce pas l'oublié riant à genoux

un homme calme à l'attente du poisson

un poursuiveur de colline

où bougent des avenirs solaires.

*

Antoine CARROT, Chemins de sel,

Cahiers bleus/Librairie Bleue,

Préface par Marie-Ange SEBASTI,2004,p.43.

***

mes outils

je me les suis

façonnés

*

mes

dalles

je les ai extraites

charriées taillées

polies

*

mais achevé

mon apprentissage

alors qu'il me faut

commencer à graver

*

quel mot choisir

quelle phrase inventer

qui dirait

*

les murailles franchies

les marches forcées

les années errantes

les affres de la soif

l'inévitable agonie

*

et quel autre mot

quelle autre phrase

évoquerait

l'oeil qui s'inverse

sonde ses tréfonds

accueille une autre

lumière

*

laisse l'un

dresser en lui

ses forêts

*

déverser

ses torrents

*

lui céder

ses immensités

sans frontières

*

Charles Juliet, Affûts,P.O.L.,1995, p.155-156.

A propos de Texte

"La Mémoire... on la perd...

C'est comme si le texte tournait autour d'un trou.

Une espèce de danse circulaire, une arabesque...

Etre au bord du vide et essayer de lui échapper."

Bernard Noël , A propos de trois monologues :

La langue d'Anna, La maladie de la chair, Le syndrome de Gramsci.

Coquelicot...

Lucie, Loupiotte * ... Ton livre : « Un coquelicot sur le coeur « n'est pas un livre où l'on peut entrer comme dans un moulin. Il est même difficile pour moi d'en citer des passages car ce qu'il recèle ne peut être mis à la lumière sans précaution . Ce soir, je compose avec cette impossibilité pour ne montrer que quelques touches, et sans doute pas celles que tu aurais choisies. Pardonne-moi à l'avance pour l'imperfection de cette ... restitution...

*

ton arbre,

plein de bruits et de silences,

échappé et lié

*

faut-il maintenant écouter les feuilles et les oiseaux

sur cet arbre sans voix ?

*

chacun s'y nourrit

mais leur vie a un vieux compte à régler

avec la tienne

*

il faudrait se boucher les oreilles

pour mieux entendre...

___________________________________________

Un coquelicot sur le cœur ( Extrait) Novembre 2004

Texte de : Lucie PETIT

Encres de : Anne SLACIK

Edité par : Alain-Lucien BENOÎT – Brèche –

Te liront-ils ?

En attendant de récupérer le texte d'origine de cette photographie de Guylaine CARROT pour l'expo. L'Abandon des Sources, je propose une autre façon de dire :

..."- pour qui écris-tu ? - pour les morts, pour les êtres que j'ai aimés dans le temps qui fut -

te liront-ils ? - non."

(Phrase de Herder telle que Kierkegaard la relève, je la cite de mémoire )

... te liront-ils ?    - oui.       comme monde qui à nouveau sera." (Herder)

André du Bouchet, L'emportement du muet ,

Mercure de France, 2000, p.96-97

Visage de l'Absent ,ta réponse

Voilà quelques mots que tu peux faire glisser sur ton site.

Bien à toi

Lettre de l'Ermitage invisible

Qu’il n’y ait plus, entre le monde et les livres, que cette lumière que nous offre le visage invisible du lecteur. Cette lumière a tout exigé de moi. Tout. Elle m’a tout pris. Elle a pillé mon âme, mon cœur, mon sang, mes moindres souvenirs. Elle a anéanti les miens. Chacun de mes biens a roulé au ravin. Pour elle, j’ai perdu mes plus petits trésors. J’ai perdu jusqu’au souffle. J’ai marché en aveugle. J’ai erré des siècles pour trouver enfin un refuge, un lieu pour mes haltes et mes vagabondages. J’ai tout perdu, tout. Qui peut savoir la hauteur de cet abîme ? Je ne possède plus que la pauvreté ensoleillée de chaque phrase.  On n’a pu me dérober la joie et, croyez-moi, la joie, c’est le sommet, oui, le sommet. Nous sommes quelques-uns à veiller tendrement sur cette reine déchue. En effet, qui perd la joie perd la vie ! Désormais, je pressens le Tout dans l’infime, le Très peu, dans le balancement de la moindre herbe sauvage, dans la lueur pure des ciels de juin ou de novembre, dans les yeux d’une poignée d’enfants, dans ceux de mon voisin qui vient souvent frapper à ma porte avec ses rires, sa parole juste, des légumes frais dans ses deux bras grands ouverts, dans l’Amour immense exigeant plus que l’Amour et que l’Amoureuse. Oui, la vie immense a dévoré mon tout petit cœur. Vous voyez, la vie m’est offerte en abondance. Alors, de quoi me plaindrais-je ? Et vous, vous, toutes ces femmes vibrantes dans la lumière, qu’enchantez-vous derrière des persiennes closes, qu’allez-vous donc chercher dans le puits sans fond des livres mystérieux tandis que nous contemplent les montagnes encore ensommeillées, que bruissent les vergers dans l’été silencieux ? Je vous l’avoue, j’ai visé, cherché l’Inaccessible, le feu d’un absolu. J’ai parfois trouvé de l’or dans la boue du monde. Je vis dans une solitude où le solitaire n’est plus jamais seul. Vous ne pouvez savoir, vous qui êtes heureusement entourées de vie vivante. Vous ne pouvez savoir jusqu’où il m’a fallu marcher, quels ravins j’ai dû entreprendre, quels cols franchir, combien d’amoureuses quitter pour vivre sur ce chemin de complète incertitude. Cela est pure folie, oui, pure folie. Il y a un prix à payer pour la vérité de la plus brève phrase. Voilà pourquoi, aujourd’hui, récompensé, je suis pourtant un homme couvert de dettes. Qui les réglera jamais à ma place ? Quel dieu, quel ange ou quel démon ?
Ce matin, dans l’émerveillement du matin, un merle m’a fait cette révélation en se posant avec une telle grâce sur le muret tremblant du jardin. Il a tourné un instant son bec vers mes deux yeux puis s’est envolé vers l’infini. Comme les vrais livres, les grands livres à la contagion parfois insupportable. Qui sont écrits avec le cœur, le sang luisant du cœur. Ceux-là seuls ont des ailes. Plus qu’un écrivain, je voudrais être un homme qui a un cœur, mais un homme qui a perdu l’alphabet. Oui, un homme avec un cœur. C’est tout simple, non ? C’est infini, comme la vie qui commence ici, sur ce seuil d’où je vous écris en saluant le tilleul qui penche ses branches vers mes fenêtres. Des hommes, avec un cœur, je n’en ai pas croisés beaucoup. J’écris peut-être pour cela : rencontrer des hommes sur ma route.

Joël Vernet

Strophes

STROPHES 

_____________________________

Ne te laisse pas troubler par les sons

que t'envoie le vent dans sa plénitude.

Veille pour voir si à tes cordes

ne viendront des mains éternelles

*

Le temps chasse ceux qui deviennent,

car le temps est le déclin.

Tu ne crois qu'en la démesure

et tu n'es seul que dans le Tout

Ta vie est si furtive que la Vie

demande aux choses si elles

te connaissaient en ces jours impétueux

où t'abandonna ton enfance.

*

Si elles savent encor comment

tu les saisissais pour les contempler

longtemps face à face,

puis ,à pas que tu fis légers,

les quitter pour aller très loin.

*

Je te comble de richesses

qui me restent de mes chants.

Je pénétrais, léger,

dans ton sommeil pour baiser

le revers de tes paupières.

*

Ainsi dois-tu prendre les heures :

croître et avoir rarement peur.-

Etre musique :

ainsi tu iras dans tes cordes.

___________________________

Rainer Maria Rilke , Poèmes, L'oeil du poète,

Les Editions Textuel, 2005,p.21-22

Scène de Rue

C'était en fin d'après-midi, je sortais de la banque.J'allais remonter  dans ma voiture. J'entends des éclats de voix. Un homme est à terre sur le large trottoir, deux ou trois personnes s'approchent de lui pour l'aider à se relever.

A voir ses difficultés, je crains qu'il n'ait un col du fémur cassé, il est âgé,une femme avec une canne canadienne attend à proximité. Le temps de le rejoindre, il est déjà debout, hébété, je n'entends aucun mot sortir de sa bouche. Une femme crie.Elle interpelle un jeune homme juché sur un vélo noir. C'est lui qui a renversé l'homme et qui fait mine de s'éloigner sans se retourner. Les cris s'amplifient :"Tu l'as fait tomber et tu ne t'arrêtes même pas ?!". Le jeune homme se met à insulter la femme :" Pourquoi tu cries, toi ? Excusez-moi Monsieur... (Regard furtif vers l'homme qui reste planté, ne sachant pas comment se comporter) !" Le jeune homme est toujours sur son vélo, il redouble d'insultes vis à vis de  la femme...Il paraît complètement inaccessible à toute parole normale que nous essayons d'introduire dans la dispute.Il n'entend plus rien.Nous évoquons l'idée d'appeler la police. Il prend la poudre d'escampette en proférant , à la cantonade, des noms d'oiseaux... Le couple qui a subi sa maladresse violente semble ne pas pouvoir sortir de sa torpeur. Le vieil homme frotte sa cuisse, il doit avoir mal. Il observe la fuite du jeune homme  sans rien dire.  La scène se déroule devant une terrasse de bistrot et des clients en sortent pour voir ce qui se passe. Le garçon est du quartier et les commentaires fusent sur une thématique raciste qui laisse augurer un possible affrontement. Les badauds se dispersent promptement , j'échange quelques mots avec la femme qui a donné l'alerte et ne sais comment m'y prendre avec le couple sidéré. Tous deux s'éloignent en silence en jetant des regards inquiets vers l'endroit où le vélo s'est engouffré. Craignent-ils des représailles ?  Je me sens révoltée par la muflerie du jeune. Je me demande encore pourquoi il n'a pas été capable de porter secours à l'homme qu'il a culbuté. Qu'a-t-il dans le crâne ce môme ? A-t-il eu peur de se faire agresser par les passants ? J'en doute un peu vu la virulence de ses propos au moment où il a été pris à partie par la femme. J'aurais voulu qu'il percoive la gravité de son incivilité et qu'il ait a minima un vrai mouvement de compassion vis à vis de sa victime. Ce manque de respect est ahurissant , je m'interroge sur les responsabilités que nous avons lorsque nous ne parvenons pas  à intervenir de façon adéquate pour rendre de telles scènes moins violentes. Il y a un manque de repères moraux très préoccupant dans ce cas que je ne suppose malheureusement pas unique.

Un bol de Mickaël Glück

Un bol

Ciel renversé

il épouse nos mains

accueille les pluies et feuillages

il est coupole de nos temples

pour nos prières d'assoiffés

pour nos prières d'affamés

celui que je préfère est de terre noire

rapporté  de Chine

j'y mange mon riz

et le grain des mots

Mickaël Glück,

poème cité dans Discorde d'Objets,

Les Cahiers de Poésie-Rencontres N°52,Février 2005.

Une petite note jaune

pour accompagner le petit tableau jaune-ocre de Anne Slacik

dans cette lumière de terre et de soleil,

le chemin inéluctable du vivant,

aveugle, ignorant,

menant vers la brume de tous les possibles.

lp 

3 Mars 2005

Jean-Christophe SCHMITT Peintre

   

Cette lune de craie

Où la terre n'a plus de corps

Après un long séjour dans les vignes

Dans la brume et les fièvres

Des butées de pierres sèches,

Revient à la terre

Renaît à la lumière

Comme un coeur qui murît sous l'orage...

Poème de Jean-Christophe dans Premier Séjour , Cahiers Bleus

Visage de l'absent

Bien cher Joël,

Je te connais depuis toujours, même avant de te connaître. Avant ton départ en Syrie, nous avons échangé une poignée de sable. Ce n'était pas du vrai sable. C'étaient des poussières de lumière et d'espoir dont nous ignorions l'un et l'autre la valeur

universelle et durable , saveur que nous lui restituons dans notre amitié d'aujourd'hui. Je recélai ton secret sans pourvoir te le dire. Si semblable au mien. Si semblable à celui de ceux qui ont eu à le taire. Tu me voyais comme n'importe quelle femme, active et déambulante.Joyeuse ?... ça m'a fait rire...tu ne t'étais pas approché d'assez près... Mais je t'avais intrigué par mes mots écrits, dans la librairie des rencontres. Tu ne voulais plus écrire à quiconque et pourtant tu m'as écrit...Je  te regardais à peine,  je me faufilais déjà dans l'esquive. Je voulais juste imprimer nos visages dans la patience en sachant qu'ils allaient changer et dériver très loin l'un de l'autre. Nos vies "ordinaires" comme tu aimais à le redire, ne se profilaient pas dans la même aventure. Moi ,sédentaire avertie, militante presque... Toi, nomade irréversible, arraché à tes amours à tes enfants à ta tribu... C'est ce contraste là qui nous tient encore ensemble par la pensée... Nous n'avons rien en commun à part ces mots qui nous fécondent dans la pure entente . Rien de ce que tu écris ne m'est étranger. Cela en devient poignant quelques fois. Tu peux partir, rien n'est détruit. Chaque livre de toi est une poignée d'herbe tendre arrachée à l'indifférence des vies et des saisons. Partout, chez moi, tes petits livres se promènent. Je les offre à qui j'aime. Je crois en toi à ta parole d'écriture sans concession. J'aimerais que tu puisses enfin vivre décemment de tes publications. Souvent, tu es en rage à cause de cela. Compter, escompter l'argent pour pouvoir garder un lieu protégé d'écriture, un arbre tutélaire et un jardin ensauvagé, c'est humiliant, c'est harassant... Comme il est cher payé, cet égoïsme que l'on prête aux écrivains non protégés par une famille, une compagne ou un compagnon acquis à la cause de la création artistique ou littéraire. Tu n'as pas choisi la facilité et il te faut beaucoup de sang-froid pour élimer tes hurlements intérieurs. De quoi se plaindre quand on est la plainte incarnée ? Et cette liberté rédimée que tu troques contre quelques pages de livres qui te sauveront encore de la malédiction du coeur sec, aridifié par le cynisme des dealers planétaires. Tu as choisi ton camp, c'est celui des fervents solitaires acclimatés à toute détresse, comme à toute richesse accolée au dénuement d'un vrai regard d'homme ou d'enfant.

Ce que je n'écris pas est plus important encore que ce que je viens d'écrire. Tu le sais. Tout visage d'absent annonce le prochain. Je te serre les mains et frôle ton épaule.Te lire est plus aimant que la moindre accolade, que la moindre intention bienveillante.Tu le sais.

Mathilde

P.S. Je viens de lire l'hommage de Jérôme GARCIN  dans le Nouvel Obs de cette semaine. Je crois qu'il a compris d'où tu venais. Je souhaite bonne route à ton livre.

La Litanie du Lait ( Liste non exhaustive)

LITANIE DU LAIT...

Laitages ... Lait à tout âge ?

Lait de mère... Lait oublié ?

Lactance Allaitement

Lait de sevrage... Lait maternisé ?

Lait de femme dans les Raisins de la Colère...

Petit Lait

Lait UHT

Lait Pasteurisé

Lait de louve

Lait de poule

Lait de vache

Lait de chèvre

Lait d'ânesse

Lait de brebis

Lait de Nourrice

Lait à tirer

Lait attitré

Lait qui tarit

Lait caillé

Lait qui tourne

Prolactine

Engorgement

Tire- lait

Pourvoyeuse

La laitère

La têtée de l'entêté

L'Enfant pendu au sein

© Marie. Pool

Le Printemps des Poètes c'est rapé !

Cette année je sens que je vais rater le Printemps des Poètes et la Fête du Livre de Bron du week-end prochain ! La fièvre remonte sournoisement et j'ai l'impression d'avoir une pièce métallique froide plaquée sur les bronches. La toux éclate comme un ballon trop gonflé, elle est sèche à présent et plus douloureuse.Cette grippe à rallonge est anti-lyrique au possible, même pas moyen d'en faire un poème amusant. Pas assez d'énergie pour donner dans l'auto-dérision et l'impression d'avoir 105 ans d'un coup. Je prends mon mal en impatience et je sens que c'est la seule solution pour le battre froid. Je bougonne, ça fait passer le temps...que j'ai l'impression de perdre...

Un peu de soleil dans la baie vitrée ça rassure. Les bruits de chantier d'en face se sont tus, le stade de rugby est en train de se doter d'un monumental gradin couvert à charpente métallique Cela nous fera un toit supplémentaire pour les pies et les merles alentour. Du troisième étage je n'arrive pas à distinguer si les premières violettes ou pâquerettes ont transpercé la pelouse poussive. Il faudra que je demande à ceux qui sortent et reviennent ... Cela fait six jours que je n'ai pas mis le nez dehors... J'ai l'impression d'être une endive d'incubation lente et abusive. Je vais aller casser des noix, ça se pratique assis, et au moins il y aura quelque chose à rajouter à ma salade de saison dévariée...A moins que je fasse réchauffer un litre de soupe industrielle ... En fait, je n'ai pas faim... Alors je vais essayer de lire : le lourd livre bleu de Roger Planchon ! "Apprentissages / Mémoires / PLON . Au moins cela me replongera dans mes souvenirs Ardéchois et dans la gouaille intelligente de ce Théâtreux militant à la personnalité forte et attachante.

L'accordeur de mots est passé

Je n'aime pas avoir la grippe...mais les cadeaux postaux que me vaut la grippe cela reste à discuter... Lucie Petit  ma Belge préférée ,m 'envoie ses médicaments : Poules & coqs en plumes de galerie, dessous de plat en poules jumelles hétérozygotes  pour y dresser mes  marmites de tisane , pince-à-poule jaune (qu'elle a fabriquée !!!) pour  rassembler mes bouts de papier volants, le tout enveloppé de papier de soie vert flambant-printemps, dans une enveloppe fignolée... Des Timbres-Oiseaux pour accompagner l'envoi : deux Gravelots,un Huitrier...  et pour réanimer mon cerveau congestionné , ce livre d'Anne-Marielle Wilwerth tombé de l'arbre à paroles  dans le buisson ardent avec ce titre magnifique : "l'accordeur de mots est passé" . Quelle chance et quelle joie !  Merci Dame de l'Equinoxe !

Je vous fais juste une mouillette dans ce bel oeuf de Pâques (je cale la page 8 avec la pince):

"Les pommes endormies sur les claies te rappellent la patience. Te rappellent le grenier de l'insouciance avec son très vieux miroir appuyé à l'enfance. Miroir que ta mémoire a cueilli. Pour voir plus loin et retrouver l'allée de gravier où les jeux te désaltéraient.Retrouver aussi le pré en pente douce où l'instant se vautrait, et où le mouton, bruyamment, mâchait le silence."

Ma Mère

Je me croyais un peu mieux cicatrisée.Mais être adulte ne vaccine pas contre l'irruption volcanique du chagrin.Il y aura bientôt deux ans , après une année d'accompagnement et d'adieux concoctés à domicile, ma mère nous quittait (Le jour de la fête des mères ! Elle avait fait fort sur ce coup là...). Avant hier,chez la généraliste, au beau milieu de ma fièvre grippale, je me suis redécouvert un bon gros sac de larmes oublié dans un coin de mon cerveau , je l'ai vidé en faisant attention de bien éponger au fur à mesure pour ne pas affoler ce médecin en qui j'ai confiance.Les larmes dont nous avons besoin ont peur de la lumière des regards trop crus. Elle a eu une parole de compassion qui m'a permis de reprendre la conversation assez vite et je suis sortie pour finir d 'essorer mon sanglot sans témoin. Aujourd'hui,lorsque je pense "journée de la femme", je pense à ma mère dont la vie si difficile a été une réussite en termes de courage, de dignité et d'humour surmontant les marasmes. Quand je pense à ma mère, j'honore toutes les femmes de la planète mortes et vivantes.

©Marie.Pool Mars 2005

En pensant à Jean-Claude BOURDAIS

                                                                                                                L'homme et sa cognée              ou sa bruyante tronçonneuse

empile la forêt

en stères mutiques

immobiles .

La tempête avait tout cassé

tout emmêlé

Les racines avaient surgi

comme un reproche aux exploitants.

Il a fallu plus de trois ans  pour réparer  tant soit peu la forêt

pour qu'elle reprenne confiance en l'homme qui la malmenait

Leçon de la Nature : chaque arbre tombé est une sanction à l'imprévoyance et à l'appât du gain.

Ici les chevreuils en ont profité pour mieux se cacher des chasseurs et leurs pas dans la neige sont un chant d'innocence.

Carte Blanche à Charles JULIET

Charles JULIET et " ses " peintres (Toiles personnelles visibles de Bram Van Velde, Madeleine Charbonnier, Michel Carrade…) à la Maison des Ecritures *, un événement à ne pas rater !

Une exposition est organisée depuis le 1^er Mars et jusqu’au 9 Avril

Comme la salle est petite, le jour du vernissage le Mardi 8 Mars à 18H30 sera le théâtre d’un attroupement d’amis et de connaisseurs. Il faudrait vous réfugier dans les cafés environnants ( L’Espace, Le Bellecour, Le Café Français) ou tout simplement à la Librairie des Nouveautés juste à côté. A peu près tous les livres non épuisés de Charles Juliet y sont, une vitrine lui est consacrée.

*La Maison des Ecritures,26 place BELLECOUR, Lyon 2°

DANS CE MEME ENDROIT, à l'occasion des manifestations disséminées dans la ville  pour la 4 ième édition du Printemps des Poètes, Une autre occasion de rencontre avec Charles JULIET   et d'autres auteurs est prévue le Samedi 12 Mars à 18H30. Thème : Rencontre autour du livre Passants (Editons AEdelsa) avec Philipp Artières, Claude Burgelin, Béatrice de Jurquet, Jean-Jacques Lerrant, Jean-Pierre Martin, Annie Salager, Tiphaine Samoyault, Jane Sautière, Pierre Zancarini.

Conduite Intérieure

A l’intérieur tu sais, à l’intérieur des gens

s’alpaguent d’étranges flottaisons qui n’ont d’yeux

que pour l’ombre et toute sa parure.

Nulle blessure en apparence, car

c’est la coque ( autant dire la carapace) qui prend tout.

C’est commode.Ca peut durer longtemps.

Dedans, dehors, l’industrie du rivage invente aussi les

amarrages et les nouages intensifs .

" Changer de vie, Changer de corps " .

Tu te plais à penser aux ruses lentes  et maladroites du Bernard l’hermite

ou à celles primesautières du coucou en version non aquatique…

Il n’y a plus rien à dire, c’est un fait, les prédateurs paysagistes sont redevenus des

convives bien ordinaires à la table des envies.

Pourquoi écris-tu cela ?

Parce que cela a à voir avec le temps des cerises et le goût du perlimpinpin dans le

square des évidences.

©Marie.Pool

Shiperia ! L'Albanie !

Dans le cadre d'une Maîtrise F.L.E. (Français Langues Etrangères) , deux étudiantes dont ma fille ont souhaité cette année aller enseigner le français dans deux établissements scolaires de TIRANA , capitale de l'ALBANIE. Elles partagent le même logement et le même enthousiasme pour découvrir ce pays qui sort peu à peu des difficultés liées à un régime de dictature lequel a laissé des séquelles sociales et économiques encore perceptibles. La volonté d'ouverture est manifeste et l'accueil d'étrangers se fait dans un climat désireux d'échanges et de partage des cultures. En Albanie on parle Italien, Français et certains Albanais s'étonnent qu'on veuille apprendre leur langue. Tout se passe comme si la sortie de l'isolement exigeait un certain renoncement à l'autarcie linguistique. Il y a beaucoup à faire pour améliorer le niveau de vie des gens mais il existe, de façon manifeste au moins dans la capitale, une volonté d'aller de l'avant et de vivre pacifiquement entre communautés religieuses . Nos étudiantes se balladent aussi aux alentours, et se font une idée très concrète de l'hospitalité du pays. On leur avait conseillé de ne fréquenter que la classe moyenne pour éviter les enrichis douteux ou les pauvres envieux... Comme elles n'avaient aucun appareil pour les détecter, elles ont décidé de se faire une opinion par elles-mêmes et ce qu’elles nous racontent n’est pas très inquiétant. Bichonnées par l’Alliance Française elles vaquent à leurs obligations pédagogiques et profitent de tous les moments de liberté pour aller explorer les environs. Elles rencontrent des Albanais accueillants et progressent dans la communication. Je leur ai demandé d’envoyer pour le blog quelques petites " cartes postales verbales " et en attendant des photos ( Elles ont du mérite car elles font tout à partir d’ un cybercafé non chauffé…à cause des coupures électriques imposées ), je vous livre en prime time leurs deux premières vignettes (minimalistes m’ont-elles dit, deux par mois c’est promis… on va voir si elles s’y tiennent) :

 

L’HIVER

On l’a entendu : en Albanie , l’hiver est à l’intérieur.

On l’a pratiqué, le rituel de chauffage qui fait s’ouvrir et se fermer certaines portes pour garder le précieuse chaleur électrique, et la nuit, on a gardé nos habits au lit.

On l’a vécu : dans les salles de classes les élèves gardaient leur manteau, se serraient comme des moineaux et la chaleur des corps s’évaporaient dans la parole.

LA VIE SONORE DE TIRANA

On l’a pas rêvé : ici le muezzin peut tinter en même temps que les cloches chantent. Les restaurants du parc sont dans une bulle ( de musique). Dans le reste de la ville, les klaxons nous rattrapent et les sirènes de police semblent s’échapper  des feu petites voitures de nos frères.

On les entend bien : travaux, coqs, vaches et chiens urbains envahissent nos oreilles dès qu’on enlève nos " tapa veshesh " (boules quies).

On les entend fort ( mais on les aime bien) : les Albanais qui parlent et rient.

Amandine & Clémence

Mardi 1ier Mars 2005